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savoir que des hommes comme nous ne recherchent pas les biens et les commodités de cette vie ; s'il en était autrement, nous serions restés dans notre royaume de France. Car, ne l'ignore pas, il n'existe nulle part une contrée qui vaille notre patrie. Pour ce qu'il y a d'impératif dans tes paroles, voici notre réponse : admis dans le Thibet par l'autorité du lieu, nous ne reconnaissons ni à toi, ni à qui que ce soit, le droit d'y troubler notre séjour. — Comment ! vous êtes des étrangers, et vous prétendez encore rester ici ? — Oui, nous sommes étrangers, mais nous savons que les lois du Thibet ne ressemblent pas à celles de la Chine. Les Péboun, les Katchi, les Mongols, sont étrangers comme nous ; et cependant on les laisse vivre en paix, nul ne les tourmente. Que signifie donc cet arbitraire, de vouloir exclure les Français d'un pays ouvert à tous les peuples ? Si les étrangers doivent partir de Lha-Ssa, pourquoi y restes-tu ? Est-ce que ton titre de Kin-Tchai (ambassadeur) ne dit pas clairement que toi-même tu n'es ici qu'un étranger ? — A ces mois, Ki-Chan bondit sur son coussin cramoisi. — Moi, un étranger ! s'écria-t-il, un étranger ! moi qui porte la puissance du grand Empereur ! Il n'y a encore que quelques mois, qui donc a jugé et envoyé en exil le Nomekhan ? — Nous connaissons cette affaire. Il y a cette différence entre le Nomekhan et nous, c'est que le Nomekhan est du Kan-Sou, province de l'empire, et que nous autres nous sommes de la France, où ton grand Empereur n'a rien à voir ; c'est que le Nomekhan a assassiné trois Talé-Lamas, et que nous autres nous n'avons fait de mal à personne. Est ce que nous avons un autre but que celui de faire connaître aux hommes le