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termes si positifs, nous touchions à la fin de notre long voyage, et nous étions sur le point d'arriver à Canton, jouissant heureusement d'une santé capable de réfuter les nouvelles qui couraient sur notre compte. Mais si, par hasard, nous eussions péri parmi les montagnes du Thibet, si l'on nous y eut assassinés ; on fût demeuré convaincu que nous avions été attachés à la queue de chevaux, et que nous étions morts en Mongolie. Probablement on n'eût jamais cru que nous avions été jusqu'à la capitale du Thibet ; et, plus tard, si quelque voyageur européen était arrivé à Lha-Ssa, et si on lui avait parlé de notre séjour dans celle ville, il eût été peut-être tout aussi difficile de concilier ces relations, que celles qui concernent Moorcroft.

Quoique la mort du voyageur anglais soit pour nous un événement plein d'obscurité, nous n'avons pas cru pouvoir nous dispenser de dire ce que nous en savions, sans prétendre infirmer, par les renseignements puisés à Lha-Ssa, les documents qui se trouvent consignés dans les journaux scientifiques de Londres.

Il y avait tout au plus un mois que nous étions à Lha-Ssa, et déjà les nombreux habitants de cette ville étaient accoutumés à parler avec respect et admiration de la sainte doctrine de Jéhovah, et du grand royaume de France. La paix et la tranquillité dont nous jouissions, la protection éclatante que nous accordait le gouvernement thibétain, la sympathie dont le peuple semblait nous entourer, tout nous donnait l'espérance, qu'avec l'aide de Dieu, nous pourrions jeter, au sein même de la capitale du Bouddhisme, les fondements d'une mission dont l'influence s'étendrait bientôt jusque chez les tribus nomades de la Mongolie.