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faisait tournoyer les yeux dans toutes les têtes. On avait l'air d'espérer, qu'avant de quitter le prétoire, nous ferions au public une large distribution de ces brillantes pièces d'or.

Le Régent et Ki-Chan, dont les âmes étaient plus élevées que celles du vulgaire, et qui certainement ne convoitaient pas notre trésor, n'en avaient pas moins oublié leur rôle de juges. La vue de nos belles images coloriées les mettait tout hors d'eux-mêmes. Le Régent tenait les mains jointes, et regardait fixement et la bouche entr'ouverte, pendant que Ki-Chan pérorait, faisait le savant, et démontrait à l'auditoire comme quoi les Français étaient les artistes les plus distingués qu'il y eût au monde. Autrefois, disait-il, il avait connu à Péking un Missionnaire français qui tirait des portraits dont la ressemblance faisait peur. Il tenait son papier caché dans la manche de sa robe, saisissait les traits comme à la dérobée, et dans l'espace d'une pipe de tabac tout était terminé. — Ki-Chan nous demanda si nous n'avions pas des montres, des longues-vues, des lanternes magiques, etc., etc... Nous ouvrîmes alors une petite boîte que personne n'avait encore remarquée, et qui contenait un microscope. Nous en ajustâmes les diverses parties, et chacun n'eut plus d'yeux que pour cette singulière machine en or pur, et qui, sans contredit, allait opérer des choses étonnantes. Ki-Chan était le seul qui comprît ce que c'était qu'un microscope. Il en donna l'explication au public, avec beaucoup de prétention et de vanité. Puis il nous pria de placer quelque animalcule à l'objectif ... Nous regardâmes Son Excellence du coin de l'œil, puis nous démontâmes le microscope pièce à pièce, et nous le casames