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pompeusement en route pour le tribunal. Un cavalier thibétain, le sabre au poing et un fusil en bandoulière, ouvrait la marche ; venait ensuite la troupe des portefaix, s'avançant entre deux lignes de Lamas-satellites, le Régent, monté sur son cheval blanc, et entouré de quelques cavaliers d'honneur, suivait nos bagages ; enfin, derrière le Régent, marchaient les deux pauvres Missionnaires français, auxquels une grande multitude de curieux formait un cortège peu agréable. Notre allure n'était pas fière. Conduits comme des malfaiteurs, ou du moins comme des gens suspects, nous n'avions qu'à baisser les yeux, et qu'à traverser modestement la foule nombreuse qui se précipitait sur notre passage. Une pareille position était, sans doute, bien pénible et bien humiliante ; mais lu pensée de notre divin Sauveur traîné au prétoire à travers les rues de Jérusalem, était bien capable d'adoucir l'amertume dont nous étions abreuvés. Nous le priâmes de sanctifier nos humiliations par les siennes, et de les accepter en souvenir de sa douloureuse passion.

Quand nous arrivâmes au tribunal, l'ambassadeur chinois, entouré de son état-major, était déjà à son poste. Le Régent lui dit : — Tu veux examiner les effets de ces étrangers ; les voici, examine. Ces hommes ne sont ni si riches, ni si puissants que tu le prétends. .... Il y avait du dépit dans les paroles du Régent ; et, au fond, il devait être un peu confus du rôle de gendarme qu'il venait de jouer. Ki-Chan nous demanda si nous n'avions que deux malles. — Deux seulement, on a tout apporté ici ; dans notre maison, il ne reste plus un chiffon, plus un morceau de papier. — Qu'avez-vous dans ces deux malles ? — Tiens,