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dit le Régent. Je n'ai jamais pensé que vous fussiez des gens si redoutables ... Qu'est-ce que c'est que cet objet ? ajouta-t-il, en nous montrant un crucifix que nous avions placé au mur. — Ah ! si tu connaissais bien cet objet, tu ne dirais pas que nous sommes peu redoutables. C'est avec cela que nous voulons nous rendre maîtres de la Chine, de la Tartarie et du Thibet. — Le Régent se mit à rire ; car il ne vit qu'une plaisanterie dans nos paroles, pourtant si vraies et si sérieuses.

Un scribe s'accroupit aux pieds du Régent, et fit l'inventaire de nos malles, de nos guenilles et de notre batterie de cuisine. On apporta une lampe allumée ; le Régent tira d'une petite bourse, suspendue à son cou, un sceau en or, qu'on apposa sur tout notre bagage. Rien ne fut épargné ; nos vieilles bottes, les clous même de notre tente de voyage, tout fut barbouillé de cire rousse, et marqué solennellement au cachet du Talé-Lama.

Quand cette longue cérémonie fut terminée, le Régent nous avertit qu'il fallait se rendre au tribunal. On alla donc aussitôt chercher des portefaix, ce qui demanda fort peu de temps. Un Lama de la police n'eut qu'à se présenter dans la rue, et sommer, au nom de la loi, les passants, hommes, femmes ou enfants, d'entrer immédiatement dans la maison pour prendre part à un labeur gouvernemental. A Lha-Ssa, le système des corvées est dans un état prospère et florissant. Les Thibétains s'y prêtent gaiement, et de la meilleure grâce du monde.

Lorsque la gent corvéable fut arrivée en nombre suffisant, on lui distribua toutes nos possessions ; on fit dans nos appartements un vide complet, et on se mit ensuite