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n'avait été qu'un long cauchemar. Notre voyage même, notre arrivée à Lha-Ssa, tout nous semblait incroyable. Nous nous demandions s'il était bien vrai que nous, Missionnaires, nous Français, nous fussions réellement dans les Etats du Talé-Lama, dans la capitale du Thibet, couchés dans le palais même du Régent ! Tous ces événements passés et présents, se heurtèrent dans notre tête. L'avenir surtout nous apparaissait enveloppé de noirs et épais nuages. Comment tout cela va-t-il finir ? Nous dira-t-on : Vous êtes libres ; allez où il vous plaira ? Nous laissera-t-on croupir dans cette prison ? ou bien va-t-on nous y étrangler ? Ces réflexions étaient bien faites pour froisser le cœur, et donner un peu de migraine. Mais que la confiance en Dieu est une bonne chose au milieu des épreuves ! Comme on est heureux de pouvoir s'appuyer sur la Providence, alors qu'on se trouve seul, abandonné et privé de tout secours ! O ! nous disions-nous l'un à l'autre, soyons résignés à tout, et comptons sur la protection du bon Dieu. Pas un cheveu ne tombera de notre tête sans sa permission.

Nous nous endormîmes, dans ces pensées, d'un sommeil peu profond et souvent interrompu. Aussitôt que les premières lueurs du jour commencèrent à paraître, la porte de notre cellule s'ouvrit tout doucement, et nous vîmes entrer le gouverneur des Katchi. Il vint s'asseoir à coté de nous, entre nos deux couchettes, et nous demanda, d'un ton bienveillant et affectueux, si nous avions passé une assez bonne nuit. Il nous offrit ensuite une petite corbeille de gâteaux faits dans sa famille, et de fruits secs venus de Ladak. Celte attention nous toucha profondé