Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée


Cependant les collines succédèrent aux montagnes élevées, les sables diminuèrent insensiblement ; et vers la fin de la journée, nous arrivâmes au village des Eaux toujours coulantes (Tchang-Lieou-Chouy). C'était, au milieu de ces collines sablonneuses, une véritable oasis d'une beauté ravissante. Une foule de petits ruisseaux, qui se jouaient parmi les rues, des arbres nombreux, des maisonnettes bâties en roche vive, et quelquefois peintes en blanc ou en rouge, donnaient à ce site l'aspect le plus pittoresque. Exténués de fatigue, comme nous l'étions, nous nous arrêtâmes aux Eaux toujours coulantes, avec un indicible plaisir, et nous en savourâmes les délices. Mais la poésie ne dura que jusqu'au moment où il nous fallut compter avec l'aubergiste. Comme les comestibles, les fourrages mêmes venaient de Tchong-Weï, et ne pouvaient être transportés qu'avec grande difficulté, ils étaient d'une cherté à faire frémir, à bouleverser tous nos plans d'économie. Pour nous et nos animaux, nous fûmes obligés de débourser seize cents sapèques, à peu près huit francs. Sans cette circonstance, nous eussions peut-être quitté avec regret le charmant village de Tchang-Lieou-Chouy. Mais il y a toujours quelque motif qui vient aider les hommes à se détacher des choses d'ici-bas.

En sortant de Tchang-Lieou-Chouy, nous prîmes la route suivie par les exilés chinois qu'on conduit à Ili. Le pays était moins affreux que celui que nous avions parcouru le jour précédent, mais il était encore bien triste. Le gravier avait remplacé le sable, et à part quelques touffes d'herbes dures, et piquantes comme des alènes, nous trouvâmes toujours un sol infécond et aride. Nous arrivâmes à Kao-Tan-Dze,