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précipiter sur eux avec des tapis de feutre, pour éteindre l'incendie qui s'était allumé sur leurs corps. Nous pûmes en sauver trois, qui eurent seulement l'extrémité du poil flambé. Mais le quatrième fut réduit à un état pitoyable ; il ne lui resta pas un brin de poil sur le corps ; tout fut consumé jusqu'à la peau, qui elle-même fut affreusement charbonnée.

Les pâturages qui furent dévorés par les flammes, pouvaient occuper un espace d'une demi-lieue en longueur, sur un quart de largeur. Les Thibétains ne cessaient de s'applaudir du bonheur qu'ils avaient eu d'arrêter les progrès de l'incendie, et nous partageâmes volontiers leur joie, quand nous comprîmes toute l'étendue du malheur dont nous avions été menacés. On nous dit que si le feu avait encore continué quelque temps, il serait parvenu jusqu'aux tentes noires, et qu'alors les bergers auraient couru après nous, et nous auraient infailliblement massacrés. Rien n'égale la fureur de ces pauvres habitants du désert, lorsque, par malice ou par imprudence, on réduit eu cendres des pâturages qui sont leur unique ressource. C'est à peu près comme si on détruisait leurs troupeaux.

Quand nous nous remîmes en route, le chameau grillé n'était pas encore mort, mais il se trouvait tout-à-fait hors de service ; les trois autres durent se prêter à la circonstance, et recevoir sur leur dos chacun une partie des bagages que portait leur infortuné compagnon de route. Au reste, toutes les charges étaient beaucoup diminuées de leur pesanteur depuis notre départ de Koukou-Noor ; nos sacs de farine étaient à peu près vides ; et depuis que nous étions descendus des monts Tant-La, nous étions