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nous nous trouvâmes en Chine aussi à l'aise que partout ailleurs ; nous pûmes voyager, sans être préoccupés par la peur, le front découvert et à la face du soleil.

Après deux journées de marche, nous arrivâmes à Tchong-Weï, bâti sur les bords du fleuve Jaune. Cette ville est murée et de moyenne grandeur ; sa propreté, sa bonne tenue, son air d'aisance, tout contraste singulièrement avec la misère et la laideur du Ning-Hia ; à en juger seulement par ses innombrables boutiques, toutes très-bien achalandées, et par la grande population qui incessamment encombre les rues, Tchong-Weï est une ville très-commerçante ; pourtant les Chinois de ce pays ne sont pas navigateurs ; on ne voit pas de barques sur le fleuve Jaune. Celte particularité est assez remarquable ; elle confirmerait l'opinion que les habitants de cette partie du Kan-Sou sont réellement d'origine thibétaine et tartare ; car on sait que partout les Chinois sont passionnément adonnés à la navigation des fleuves et des rivières.

En sortant de Tchong-Weï, nous traversâmes la grande muraille, uniquement composée de pierres mobiles amoncelées les unes sur les autres, et nous rentrâmes, pour quelques jours, en Tartarie, dans le royaume des Alechan. Plus d'une fois, des Lamas mongols nous avaient fait des peintures affreuses des monts Alechan ; mais nous pûmes constater, par nos propres yeux, que la réalité est encore bien au-dessus de tout ce qu'on peut dire de cet épouvantable pays. Les Alechan sont une longue chaîne de montagnes, uniquement composées de sable mouvant et tellement fin, qu'en le touchant on le sent couler entre ses doigts comme un liquide. Il serait superflu d'ajouter,