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Sa grande faiblesse ne lui permettant pas d'aller à pied, et ne pouvant ainsi se donner un peu d'exercice pour se réchauffer, il eut les pieds, les mains et la figure gelés ; ses lèvres étaient déjà livides, et ses yeux presque éteints ; bientôt, il n'eut plus même la force de se soutenir à cheval. Nous n'eûmes d'autre moyen que de l'envelopper dans des couvertures, de ficeler le tout sur un chameau, puis de mettre notre confiance en la bonté de la divine Providence.

Un jour, que nous suivions les sinuosités d'un vallon, le cœur oppressé par de tristes pensées, voilà que, tout à coup, nous voyons apparaître deux cavaliers sur la cime des montagnes environnantes. En ce moment, nous allions de compagnie avec une petite troupe de marchands thibétains, qui, comme nous, avaient laissé passer en avant le gros de la caravane, de peur de fatiguer les chameaux par une marche trop précipitée. — Tsong-Kaba ! s'écrièrent les Thibétains, voilà là-bas des cavaliers ... Cependant, nous sommes dans le désert ; on sait qu'il n'y a pas ici de pasteurs de troupeaux. — Ils avaient à peine prononcé ces paroles, que nous aperçûmes un grand nombre d'autres cavaliers, apparaître encore sur divers points. Nous ne pûmes nous empocher d'éprouver un frémissement subit, en les voyant se précipiter tous ensemble du haut des montagnes, et courir vers nous avec impétuosité. Dans ce pays inhabité, que faisaient ces cavaliers ? que voulaient-ils ?

Nous ne doutâmes pas un instant que nous ne fussions tombés entre les mains des brigands. Leur allure, d'ailleurs, n'était nullement propre à nous rassurer : Un fusil en bandoulière, deux grands sabres suspendus de chaque