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ils s'échappaient et rentraient dans l'état sauvage. Nous n'avons pas remarqué pourtant que leur caractère fût extrêmement farouche ; nous les avons vu folâtrer quelquefois avec les chevaux de la caravane, qui paissaient aux environs du campement ; mais à l'approche de l'homme, qu'ils distinguent et sentent de fort loin, ils prenaient aussitôt la fuite. Les lynx, les chamois, les rennes et les bouquetins abondent dans le Thibet antérieur.

Quelques jours après le passage du Mourouï-Oussou, la caravane commença à se débander : ceux qui avaient des chameaux voulurent prendre les devants, de peur d'être trop retardés par la marche lente des bœufs à long poil. D'ailleurs la nature du pays ne permettait plus à une aussi grande troupe de camper dans le même endroit. Les pâturages devenaient si rares et si maigres, que les bestiaux de la caravane ne pouvaient aller tous ensemble sous peine de mourir de faim. Nous nous joignîmes à ceux qui avaient des chameaux, et nous laissâmes derrière nous les bœufs à long poil. Notre bande fut encore obligée, dans la suite, de se fractionner : la grande unité étant une fois rompue, il se forma une foule de petits chefs de caravane, qui ne s'entendaient pas toujours sur les lieux où il fallait camper ni sur les heures du départ.

Nous arrivions insensiblement vers le point le plus élevé de la haute Asie, lorsqu'un terrible vent du nord, qui dura pendant quinze jours, vint se joindre à l'affreuse rigueur de la température, et nous menacer des plus grands malheurs. Le temps était toujours pur ; mais le froid était si épouvantable, qu'à peine à midi pouvait-on ressentir un peu l'influence des rayons du soleil ; encore fallait-il avoir