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et les pèlerins ayant l'habitude de s'arrêter dans cette vallée, après le passage du Bayen-Kharat, on est toujours sûr d'y trouver une grande quantité d'argols. Les grands feux ne discontinuèrent pas un seul instant. Nous brûlâmes tout, sans scrupule et sans crainte de faire tort à nos successeurs. Nos quinze mille bœufs à long poil, étaient chargés de combler le déficit.

Nous quittâmes la grande vallée de Bayen-Kharat, pour aller dresser notre tente sur les bords du Mourouï-Oussou (1)[1]. Vers sa source, ce fleuve magnifique porte le nom de Mourouï-Oussou (eau tortueuse) ; plus bas, il s'appelle Kin-Cha-Kiang (fleuve au sable d'or) ; arrivé dans la province du Sse-Tchouan, c'est le fameux Yang-Dze-Kiang, ou fleuve Bleu. Au moment où nous passâmes le Mourouï-Oussou sur la glace, un spectacle assez bizarre s'offrit à nos yeux. Déjà nous avions remarqué de loin, pendant que nous étions au campement, des objets informes et noirâtres, rangés en file en travers de ce grand fleuve. Nous avions beau nous rapprocher de ces ilôts fantastiques, leur forme ne se dessinait pas d'une manière plus nette et plus claire. Ce fut seulement quand nous fûmes tout près, que nous pûmes reconnaître plus de cinquante bœufs sauvages incrustés dans la glace. Ils avaient voulu, sans doute, traverser le fleuve à la nage, au moment de la concrétion des eaux, et ils s'étaient trouvés pris par les glaçons, sans avoir la force de s'en débarrasser, et de continuer leur route. Leur belle tête, surmontée de grandes cornes, était encore à découvert ; mais le reste du corps était pris dans

  1. (1) Les Thibétains le nomment Polei-Tchou, fleuve du Seigneur.