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neige dont le pays était entièrement couvert. Le mont Chuga étant peu escarpé du côté que nous gravissions, nous pûmes arriver au sommet au moment où l'aube commençait à blanchir. Le ciel se chargea bientôt de nuages, et le vent se mit à souffler avec une violence qui alla toujours croissant. Les flancs opposés de la montagne étaient tellement encombrés de neige, que les animaux en avaient jusqu'au ventre ; ils n'avançaient que par secousses et par soubresauts, et souvent, ils allaient se précipiter dans des gouffres dont on ne pouvait les retirer ; il en périt ainsi plusieurs. Nous marchions à l’encontre d'un vent si fort et si glacial, que la respiration se trouvait parfois arrêtée, et que, malgré nos bonnes fourrures, nous tremblions à chaque instant d'être tués par le froid. Afin d'éviter les tourbillons de neige que le vent nous lançait continuellement à la figure, nous suivîmes l'exemple de quelques voyageurs, qui étaient montés à rebours sur leur cheval, le laissant ensuite aller au gré de son instinct. Lorsqu'on fut arrivé au pied de la montagne, et qu'il fut permis d'avoir les yeux à l'abri du vent, on remarqua plus d'une figure gelée. M. Gabet eut à déplorer la mort passagère de son nez et de ses oreilles. Tout le monde eut la peau plus ou moins gercée et brûlée par le froid.

La caravane s'arrêta au pied du mont Chuga, et chacun alla chercher un abri dans le labyrinthe d'un grand nombre de gorges contiguës. Exténués de faim, et perclus de tous nos membres, il nous eût fallu, pour nous restaurer, une hôtellerie avec un bon feu, une table bien servie, et un lit chaudement bassiné ; mais le Chuga est loin d'avoir tout le confortable des Alpes ; les religieux bouddhistes