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s de leur queue, qui pendait tout d'une pièce, raide et immobile, comme si on l'eût faite de plomb et non de crins. Les chameaux avaient la longue bourre le leurs jambes chargée de magnifiques glaçons, qui se choquaient les uns les autres avec un bruit harmonieux. Cependant, il était visible que ces jolis ornements étaient peu de leur goût ; car ils cherchaient de temps en temps à les faire tomber, en frappant rudement la terre de leurs pieds. Les bœufs à long poil étaient de véritables caricatures ; impossible de se figurer rien de plus drôle : ils marchaient les jambes écartées, et portaient péniblement un énorme système de stalactites qui leur pendait sous le ventre jusqu'à terre. Ces pauvres bêtes étaient si informes, et tellement recouvertes de glaçons, qu'il semblait qu'on les eût mis confire dans du sucre candi.

Pendant les premiers jours de marche nous nous trouvâmes un peu seuls et isolés au milieu de cette grande multitude. Nous étions sans amis et sans connaissances. Cependant, nous ne tardâmes pas à nous faire des camarades ; car, pour lier les hommes entre eux, il n'est rien de tel que les voyages. Les compagnons de route que nous nous fîmes, et auprès desquels nous allions tous les jours dresser notre tente, n'étaient ni marchands, ni pèlerins, ni attachés à l'ambassade, ni simples voyageurs comme nous ; c'étaient quatre Lamas, qui formaient une catégorie à part. Deux d'entre eux étaient de Lha-Ssa, un du Thibet ultérieur, et le quatrième du royaume de Torgot. Chemin faisant, ils nous racontèrent leur longue et pittoresque histoire, dont nous allons donner ici un raccourci.

Les trois Lamas thibétains s'étaient fait les disciples