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lorsqu'un cavalier portant un globule blanc sur son chapeau parut dans la cour de l'auberge. Sans descendre de son cheval, sans faire les saluts d'usage il se mit à interpeler vivement l'aubergiste. — Le grand Mandarin va arriver, s'écria-t-il d'un ton bref et plein de morgue ; que tout soit propre et bien balayé ! que ces Tartares aillent loger ailleurs ; le grand Mandarin ne veut pas voir de chameaux dans l'auberge. — De la part d'une estafette de Mandarin, ces paroles indolentes n'avaient pas de quoi nous surprendre ; mais elles nous choquèrent vivement. Nous feignîmes de ne pas les entendre, et nous continuâmes tranquillement notre petite besogne. L'aubergiste, voyant que nous ne tenions aucun compte de la sommation qui venait d'être faite, s'avança vers nous, et nous exposa, avec une politesse mêlée d'embarras, l'état de la question. — Va, lui dîmes-nous avec fermeté, va dire à ce globule blanc, que tu nous as reçus dans ton auberge, et que nous y resterons ; que les Mandarins n'ont pas le droit de venir prendre la place des voyageurs qui déjà se sont légitimement établis quelque part. — L'aubergiste n'eut pas la peine d'aller rapporter nos paroles au globule blanc ; elles avaient été prononcées de manière à ce qu'il pût lui-même les entendre. Il descendit aussitôt de cheval, et s'adressant à nous directement. — Le grand Mandarin va arriver, nous dit-il ; il y a beaucoup de monde à sa suite, et l'auberge est petite ; d'ailleurs, comment des chevaux oseraient-ils rester dans cette cour en présence de vos chameaux ? — Un homme de la suite d'un Mandarin, et de plus décoré comme toi d'un globule blanc, devrait savoir s'exprimer, premièrement avec politesse, et en second lieu avec justice. Notre