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employèrent à prier, à faire des exorcismes, et à construire une petite pyramide en terre blanchie à l'eau de chaux ; au-dessus flottait, au bout d'un mât, un pavillon, sur lequel étaient imprimées des prières thibétaines. Ce modeste édifice fut nommé Pyramide de la paix. Après la cérémonie, le grand et les petits Lamas plièrent leurs tentes, descendirent de la montagne, et s'en retournèrent à Kounboum, bien persuadés qu'ils venaient d'opposer aux brigands une barrière infranchissable.

La Pyramide de la paix ne parut pas avoir rassuré complètement les bergers ; car, un beau matin, ils décampèrent tous ensemble, avec leurs bagages et leurs troupeaux, et s'en allèrent chercher ailleurs un poste moins dangereux. On nous engagea à suivre leur exemple ; mais nous aimâmes autant demeurer, car dans le désert il n'y a guère de lieu plus sur qu'un autre. La fuite des pasteurs était d'ailleurs pour nous un gage que notre tranquillité ne serait pas troublée. Nous pensâmes que les brigands, venant à apprendre qu'il n'y avait plus de troupeaux dans la vallée de Tchogortan, n'auraient plus aucun intérêt à venir nous visiter. Nous élevâmes donc, nous aussi, dans notre cœur, une pyramide de la paix, c'est-à-dire, une ferme confiance en la protection divine, et nous nous tînmes calmes et tranquilles dans notre demeure.

Nous jouîmes pendant quelques jours de la solitude la plus profonde. Depuis que les troupeaux avaient disparu, les argoliers n'ayant plus rien à faire, avaient cessé de venir. Nous étions seuls avec quelques Lamas préposés à la garde de la lamaserie. Nos animaux se trouvèrent assez bien de ce changement, car dès lors tous les pâturages