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parcouraient la vallée et les collines environnantes, pour recueillir, non des fraises ni des champignons, mais la fiente que les troupeaux des Si-Fan disséminaient de toutes parts. À cause de ce genre d'industrie, nous avions nommé ces Lamas, Lamas-bousiers, ou plus honorifiquement, Lamas-argoliers, du mot tartare, argol, qui désigne la fiente des animaux, lorsqu'elle est desséchée et propre au chauffage. Les Lamas qui exploitent ce genre de commerce, sont en général des personnages paresseux et indisciplinés, qui préfèrent à l'étude et à la retraite les courses vagabondes à travers les montagnes ; ils sont divisés en plusieurs compagnies, qui travaillent sous la conduite d'un chef chargé des plans et de la comptabilité. Avant la fin de la journée, chacun apporte ce qu'il a pu ramasser de butin au dépôt général, situé au pied d'une colline ou dans l'enfoncement d'une gorge. Là, on élabore avec soin cette matière première ; on la pétrit et on la moule en gâteaux, qu'on laisse exposés au soleil jusqu'à dessiccation complète ; ensuite, on arrange symétriquement tous ces argols les uns au-dessus des autres ; on en forme de grands tas, qu'on recouvre d'une épaisse couche de fiente, pour les préserver de l'action dissolvante de la pluie. Pendant l'hiver, ce chauffage est transporté à la lamaserie de Kounboum, et on le livre au commerce.

Le luxe et la variété des matières combustibles, dont jouissent les nations civilisées de l'Europe, ont dû probablement les dispenser de faire des études approfondies sur les diverses qualités d'argols. Il n'en a pas été ainsi parmi les peuples pasteurs et nomades ; une longue expérience leur a permis de classifier les argols avec un talent d'appré