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Le dépouillement de nos chameaux avait servi à nous enrichir d'une immense quantité de poil ; nous en troquâmes la moitié contre de la farine d'orge, et nous cherchâmes à utiliser le reste. Un Lama, qui était habile cordier, nous suggéra une idée excellente ; il nous fit observer que, durant le long voyage du Thibet, nous aurions besoin d'une bonne provision de cordes pour attacher nos bagages, et que celles de poil de chameau étaient, à cause de leur souplesse, les plus convenables pour les pays froids. Ce conseil, si plein de sagesse, fut immédiatement pris en considération. Le Lama nous donna gratuitement quelques leçons d'apprentissage, et nous nous mîmes à l'œuvre. En peu de temps, nous fumes capables de tordre assez bien notre bourre, et de lui donner une forme qui ressemblait passablement à des cordes. Tous les jours, en allant visiter nos animaux au pâturage, nous prenions sous le bras un gros paquet de poil de chameau, et chemin faisant, nous tournions les simples cordons que nous devions ensuite combiner dans notre atelier.

Samdadchiemba se contentait de nous regarder faire, et de sourire quelquefois. Moitié par paresse, moitié par vanité, il s'abstenait de mettre la main à l'œuvre. — Mes Pères spirituels, nous dit-il un jour, comment des gens de votre qualité peuvent-ils s'abaisser jusqu'à faire des cordes ? Est-ce qu'il ne serait pas plus convenable d'en acheter, ou de les donner à faire à des gens du métier ? — Cette interpellation fut pour nous une bonne occasion de tancer vertement notre chamelier. Après lui avoir fait sentir que nous n'étions pas dans une position à faire les grands seigneurs, et que nous devions viser à l'économie, nous lui