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Les Si-Fan donnent à ce temps le nom de Saison des vapeurs de la terre.

Aussitôt que cette crise fut passée, les herbes de la vallée grandirent à vue d'œil, et les montagnes et les collines des environs se chargèrent, comme par enchantement, de fleurs et de verdure. Ce fut aussi pour nos chameaux une espèce de moment palingénésique. Ils se dépouillèrent entièrement de leur poil, qui tomba par grandes plaques semblables à de vieux haillons. Ils demeurèrent pendant quelques jours complètement nus, comme si on les eût rasés depuis le sommet de la tête jusqu'à l'extrémité de la queue. Ils étaient hideux à voir. A l'ombre, ils grelottaient de tous leurs membres, et pendant la nuit, nous étions obligés de les recouvrir de grands tapis de feutre pour les garantir du froid. Après quatre jours, le poil commença à repousser. D'abord, ce fut un duvet roux, d'une extrême finesse, et bouclé comme la toison d'un agneau. Autant nos chameaux avaient été sales et laids dans leur état de nudité, autant ils étaient beaux à voir dans leur frais et nouveau costume. Après une quinzaine de jours, leur fourrure tout entière avait repoussé. C'était pour eux le moment de se ruer avec ardeur sur les pâturages, et de faire une ample provision d'embonpoint pour le futur voyage. Afin d'aiguiser leur appétit, nous avions acheté du sel marin. Tous les matins, avant de les lancer dans la vallée, nous avions soin de leur en distribuer une bonne dose ; et le soir, à leur retour, nous leur en servions également, pour les aidera ruminer pendant la nuit l'immense quantité de fourrage qu'ils avaient ramassé et pressé dans leur estomac.