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Nous pûmes jouir de cette admirable variété de mets, pendant plus d'un mois. Ensuite, nos petits tubercules devinrent creux et coriaces, les tendres fougères acquirent la dureté du bois, et les orties, armées d'une longue barbe blanche, ne nous offrirent plus qu'un aspect menaçant et terrible. Plus tard, quand la saison fut plus avancée, les fraises parfumées des montagnes, et les blancs champignons de la vallée, remplacèrent honorablement les premiers légumes. Mais nous fûmes obligés d'attendre longtemps ces objets de luxe ; car dans le pays que nous habitions, les froids sont habituellement longs, et la végétation excessivement tardive. Pendant tout le mois de juin, il tombe encore de la neige, et le vent est tellement piquant, qu'il serait imprudent de se dépouiller de ses habits de peau. Vers les premiers jours de juillet, la chaleur du soleil commence à se faire sentir, et la pluie tombe par grandes ondées. Aussitôt que le ciel s'est un peu éclairci, une vapeur chaude s'échappe de la terre avec une abondance surprenante. On la voit d'abord courir sur les coteaux et le long des vallées ; puis elle se condense, elle se balance un peu au-dessus du sol, et finit par devenir si épaisse, que la clarté du jour en est obscurcie. Quand cette vapeur est montée au haut des airs, en assez grande quantité pour former de gros nuages, le vent du sud se lève et la pluie retombe avec violence. Ensuite, le ciel s'éclaircit de nouveau, et la vapeur de la terre remonte. Ces révolutions atmosphériques durent ainsi une quinzaine de jours. Pendant ce temps, la terre est comme en fermentation ; les animaux restent couchés, et les hommes ressentent, dans tous les membres, un malaise inexprimable.