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et branlant de temps en temps la tête ; l'expression de sa physionomie semblait dire : Je n'aurais jamais cru que le monde fût si grand !

Le temps s'était vite écoulé pendant cette séance archéologique : après avoir salué le vieillard, nous allâmes vers nos chameaux, que nous poussâmes jusqu'à notre habitation de Tchogortan. Nous les attachâmes devant la porte à un pieu fixé en terre, et nous entrâmes dans notre petite cuisine pour faire les préparatifs du souper.

Culinairement parlant, nous étions beaucoup mieux à Tchogortan qu'à Kounboum. D'abord le lait, le caillé, le beurre et le fromage, tout cela était à discrétion. De plus nous avions fait une précieuse trouvaille dans un chasseur des environs. Quelques jours après notre arrivée, il était venu dans notre chambre, et tirant un magnifique lièvre d'un sac qu'il portait sur son dos, il nous avait demandé si les Goucho (1)[1] du ciel d'occident mangeaient de la viande des animaux sauvages ? — Certainement, lui répondîmes-nous ; un lièvre est une excellente chose. Est-ce que, vous autres, vous n'en mangez pas ? — Nous autres hommes noirs, quelquefois, mais les Lamas, jamais. Il leur est expressément défendu par les livres de prières, de manger de la chair noire. — La sainte loi de Jéhovah ne nous fait pas une pareille défense. — Dans ce cas, gardez cet animal, et si cela vous convient, je vous en apporterai tous les jours tant que vous voudrez ; les coteaux qui environnent la vallée de Tchogortan en sont encombrés ...

L'affaire en était là, lorsqu'un Lama du voisinage entra par hasard dans notre chambre. En voyant étendu à nos

  1. (1) Goucho, titre honorifique des Lamas chez les Thibétains.