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corps de leur père, d'en prendre chacun une partie et de se séparer. L'aîné eut la tête et les bras en partage ; il fut l'ancêtre de la grande famille chinoise. Voilà pourquoi ses descendants sont devenus célèbres dans les arts et l'industrie, et remarquables par leur intelligence, par les ruses et les stratagèmes qu'ils savent inventer. Le cadet, qui fut le père de la grande famille thibétaine, eut la poitrine en partage. Aussi les Thibétains sont-ils pleins de cœur et de courage ; ils ne craignent pas de s'exposer à la mort, et parmi eux, il y a toujours eu des tribus indomptables. Le troisième des fils, d'où descendent les peuples tartares, reçut pour héritage la partie inférieure du corps de son père. Puisque vous avez voyagé longtemps dans les déserts de l'orient, vous devez savoir que les Mongols sont simples et timides, ils sont sans tête et sans cœur ; tout leur mérite consiste à se tenir fermes sur leurs étriers, et bien d'aplomb sur leur selle. Voilà comment les Lamas expliquent l'origine des trois grandes familles qui sont sous le ciel, et la différence de leur caractère. Voilà pourquoi les Tartares sont bons cavaliers, les Thibétains bons soldats, et les Chinois bons commerçants. — Pour remercier le vieillard de son intéressante chronique, nous lui racontâmes, à notre tour, l'histoire du premier homme, du déluge, de Noé et de ses trois enfants. Il fut d'abord très-satisfait de retrouver, dans notre récit, ses trois grandes familles ; mais sa surprise fut grande, quand il nous entendit dire que les Chinois, les Tartares et les Thibétains étaient tous les enfants de Sera, et qu'en outre il y avait des peuples innombrables, qui formaient les deux autres familles de Cham et de Japhet. Il nous regardait fixement, la bouche entr'ouverte,