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de lichen, contribue à leur donner un aspect grandiose et imposant. De toute part, ils sont environnés de marais, où croissent en abondance les joncs, les roseaux et les nénuphars. L'intérieur de la ville est pauvre et misérable ; les rues sont sales, étroites et tortueuses ; les maisons enfumées et disloquées ; on voit que Ning-Hia est une ville d'une grande antiquité. Quoique située non loin des frontières de la Tartarie, le commerce y est de nulle importance.

Après avoir parcouru à peu près la moitié de la rue centrale, comme nous avions encore une lieue de chemin avant d'arriver à l'autre extrémité, nous prîmes le parti de nous arrêter. Nous entrâmes dans une grande auberge, où nous fûmes bientôt suivis par trois individus qui nous demandèrent effrontément nos passeports. Nous vimes sur-le-champ qu'il fallait défendre notre bourse contre ces trois chevaliers d'industrie. — Qui êtes-vous, pour oser nous demander des passeports ? — Nous sommes employés au grand tribunal. Il est défendu aux étrangers de traverser la ville de Ning-Hia sans passeport … Au lieu de répondre, nous appelâmes l'aubergiste, et le priâmes de nous écrire sur un morceau de papier son nom et le titre de son auberge. Notre demande le surprit beaucoup. — A quoi bon cet écrit, nous dit-il, que voulez-vous en faire ? — Tout à l'heure nous en aurons besoin. Nous voulons aller au grand tribunal, et dénoncer au Mandarin que dans ton auberge trois voleurs sont venus nous opprimer ... A ces paroles, les trois demandeurs de passeports se sauvèrent à toute jambe ; l'aubergiste les accabla d'imprécations, et les curieux, qui déjà s'étaient rassemblés en grand nombre,