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monde, et s'est privé volontairement de ces moyens de communication avec ses semblables ; un sac suspendu à une longue corde, sert à lui faire parvenir les aumônes des Lamas et des bergers du pays.

Nous avons eu des rapports assez fréquents avec ces Lamas contemplatifs, mais nous n'avons jamais pu savoir au juste ce qu'ils contemplaient là-haut, du fond de leur niche. Ils étaient eux-mêmes très-incapables de s'en rendre un compte bien exact ; ils avaient embrassé, nous disaient-ils, ce genre de vie, parce qu'ils avaient lu dans leurs livres, que des Lamas d'une grande sainteté avaient vécu de la sorte. Au résumé, ils étaient assez bonnes gens : leur naturel était simple, paisible, et nullement farouche ; ils passaient le temps à prier, et quand ils en étaient fatigués, ils trouvaient dans le sommeil un honnête délassement.

Outre ces cinq contemplatifs qui demeuraient toujours au haut des rochers, il y avait dans le bas quelques Lamas à qui on avait confié la garde des maisons désertes de la lamaserie. Ceux-ci, par exemple, ne prenaient pas la vie comme les premiers, par son côté fin et mystique ; ils étaient au contraire tout-à-fait plongés dans le positif et la réalité des choses de ce monde : ils étaient bouviers. Dans la grande maison où l'on nous avait installés, il y avait deux gros Lamas, qui passaient poétiquement leur vie à nourrir une vingtaine de bœufs : soigner les petits veaux, traire les vaches, battre le beurre et presser les fromages, telles étaient leurs occupations de tous les jours. Ils paraissaient peu se préoccuper de contemplation ou de prières ; on les entendait pourtant pousser quelques exclamations vers Tsong-Kaba ; mais c'était toujours à cause de leurs bestiaux ; c'é