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temps il tâtait avec son pouce le tranchant de son couteau. — Il n'y a pas de voleurs, déroule les peaux de bouc, que nous prenions un peu de repos. — C'est dommage ; car ceci me paraît bien pointu et bien taillant. — C'est bien, c'est bien, Samdadchiemba ; voilà que tu fais le brave, parce que tu sais qu il n'y a pas de voleur. — O mes Pères spirituels, ce n'est pas cela ; il faut toujours dire des paroles de franchise. Je ne disconviens pas que j'ai la mémoire très-mauvaise et que je n'ai jamais pu apprendre beaucoup de prières ; mais en fait de courage, je puis me vanter d'en avoir autant qu'un autre... Nous nous mîmes à rire, en entendant ce singulier et imprévu rapprochement... Vous riez, mes Pères, reprit Samdadchiemba, oh, c'est que vous ne connaissez pas les Dchiahours. Dans l'Occident, le pays des Trois-Vallons (1)[1] a un grand renom. Mes compatriotes tiennent la vie pour peu de chose ; ils ne marchent jamais qu'armés d'un grand sabre et d'un fusil à mèche. Pour un mot, pour un regard, les voilà à se battre, à se massacrer. Un homme qui dans sa vie n'a tué personne, n'a pas le droit de marcher le front haut. On ne peut pas dire que c'est un brave. — Voilà qui est admirable ! Toi, tu es un brave, nous as-tu dit ; combien donc as-tu tué d'hommes quand tu étais dans le pays des Trois-Vallons ?... Samdadchiemba parut déconcerté par cette question ; il tournait la tête de côté et d'autre, il riait d'un rire forcé. Enfin, pour faire diversion, il plongea son écuelle dans la marmite, et la retira pleine de thé... Voyons, voyons, lui dîmes-nous, avale vite ton thé, et puis raconte-nous quelque chose de tes bravoures.

Samdadchiemba

  1. (l) San-Tchouan.