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grands bonnets à poil, pour mettre un peu la figure à couvert. Nous pressâmes la marche, afin d'arriver tôt aux Trois lacs, et de nous faire un abri de notre chère tente. Dans l'espérance d'apercevoir ces lacs qu'on nous avait indiqués, nous tournions sans cesse nos regards à droite et à gauche ; mais c'était toujours en vain. Il était déjà tard ; et d'après ce que nous avaient dit les Tartares, nous avions à craindre d'avoir dépassé l'unique campement que nous pouvions rencontrer ce jour-là. Cependant, à force de regarder, nous aperçûmes un cavalier qui s'en allait lentement dans le fond d'un ravin. Il était très-éloigné de nous ; mais nous ne pouvions nous dispenser d'aller lui demander quelques renseignements. M. Gabet s'élança de ce côté, de toute la vitesse des longues jambes de sa monture. Le cavalier entendit les cris de la chamelle, il tourna la tête ; et voyant qu'on allait vers lui, il fit volte-face, et courut ventre à terre à l’encontre de M. Gabet. Aussitôt qu'il fut à portée de se faire entendre : Saint personnage, s'écria-t-il, ton œil a-t-il aperçu les chèvres jaunes ; j'ai perdu leurs traces. — Je n'ai pas vu les chèvres jaunes ; je cherche l'eau et je ne la trouve pas ; est-elle loin d'ici ? — Mais d'où es-tu ? où vas-tu ? — Je suis de cette petite caravane que tu vois là-bas. On nous a dit qu'aujourd'hui nous trouverions des lacs sur notre route, que nous pourrions camper auprès. Jusqu'ici nous n'avons rien vu. — Comment peut-il en être ainsi ? Il y a à peine un instant que vous êtes passés non loin de l'eau. Seigneur Lama, permets que je marche à côté de ton ombre ; je vais t'indiquer les Trois lacs. Et aussitôt il excite son cheval de trois rudes coups de fouet, pour le mettre en état de suivre les grandes enjambées de la chamelle. Dans