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e d'une tente, nous devions déposer nos armes en dehors du seuil de la porte ; ainsi l'exige le cérémonial tartare. Entrer dans l'intérieur de la tente la main armée d'un fouet ou d'un bâton, c'est l'injure la plus sanglante qu'on puisse faire à la famille ; c'est leur dire, en style figuré : Vous êtes tous des chiens.

La manière de se présenter chez les Tartares est franche, simple, et débarrassée des innombrables formalités de l'urbanité chinoise. En entrant, on souhaite la paix à tout le monde en général, en disant : Amor ou Mendou ; puis on va s'asseoir rondement à droite du chef de famille, qui est accroupi à l'opposite de la porte. Chacun alors prend, dans une bourse suspendue à la ceinture, la petite fiole de tabac à priser ; on se la présente mutuellement, en accompagnant l'offre de quelques paroles de politesse. — Les pâturages sont-ils gras et abondants ? vos troupeaux sont-ils en bon état ? les cavales sont-elles fécondes ? — Avez-vous chevauché en paix ? la tranquillité règne-t-elle en route, etc. Après ces paroles d'usage, prononcées de part et d'autre avec une excessive gravité, la ménagère tend la main aux étrangers, sans rien dire. Ceux-ci retirent promptement de leur sein leur écuelle de bois, indispensable vade-mecum des Tartares, la présentent à la ménagère, qui la leur rend bientôt après remplie de thé au lait. Dans les familles un peu aisées, on sert ordinairement devant les visiteurs une tablette chargée d'une modeste collation : du beurre, de la farine d'avoine, du petit millet grillé et des tranches de fromage ; le tout distribué séparément dans quatre petits coffres en bois vernissé. On choisit à volonté quelques-unes de ces friandises tartares, qu'on mélange avec le thé.