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arrivant à la file, décrivirent une grande circonférence, au centre de laquelle vint se placer un char à quatre roues. Sok, sok, s'écrièrent les chameliers ! et les chameaux, obéissant à cet ordre, s'accroupirent spontanément, comme frappés d'un même coup. Pendant que des tentes nombreuses s'élevaient comme par enchantement sur les bords du ruisseau, deux Mandarins décorés du globule bleu s'approchèrent de la voiture, en ouvrirent la portière, et aussitôt nous vîmes descendre une femme tartare, revêtue d'une longue robe de soie verte. C'était une reine du pays des Khalkhas, qui se rendait en pèlerinage à la fameuse lamaserie des Cinq-Tours, dans la province du Chan-Si, Aussitôt qu'elle nous aperçut, elle nous salua, en élevant ses deux mains. « Seigneurs Lamas, nous dit-elle, nous allons camper ici, cet endroit est-il heureux ? — Royale pèlerine de Mourguevan, lui répondîmes-nous, tu peux allumer en paix ton foyer en ce lien. Pour nous, nous allons continuer notre route ; car le soleil était déjà haut quand nous avons plié la tente. A ces mots, nous prîmes congé de la nombreuse caravane des Tartares de Mourguevan.

Cependant mille pensées préoccupaient notre esprit, en voyant cette reine et sa nombreuse suite, poursuivant ainsi dans le désert leur lointain pèlerinage. Les dépenses ne les arrêtaient pas plus que les dangers, les fatigues et les privations du voyage. C'est que ces bons Mongols ont l'âme essentiellement religieuse ; la vie future les occupe sans cesse, les choses d'ici-bas ne sont rien à leurs yeux ; aussi vivent-ils dans ce monde comme n'y vivant pas. Ils ne cultivent pas la terre, ils ne bâtissent pas de maisons ;