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quiconque sera surpris les armes à la main dans la forêt, elle est continuellement encombrée de braconniers et de bûcherons. Des gardiens sont partout distribués de distance en distance ; mais ils semblent n’être là que pour avoir le monopole de la vente du bois et du gibier. Ils favorisent le vol de tout leur pouvoir, à condition qu’on leur en laissera la plus grosse part. Les braconniers sont surtout innombrables depuis la quatrième lune jusqu’à la septième. À cette époque, le bois des cerfs pousse de nouveaux rameaux qui contiennent une espèce de sang à moitié coagulé. C’est ce qu’on appelle Lou-joung dans le pays. Ces nouvelles pousses de bois de cerf jouent un grand rôle dans la médecine chinoise, et sont à cause de cela d’une cherté exorbitante. Un Lou-joung se vend jusqu’à cent cinquante onces d’argent.

Les cerfs et les chevreuils se promènent dans cet immense parc, par troupeaux innombrables. Les tigres, les sangliers, les ours, les panthères et les loups n’y sont guère moins nombreux. Malheur aux bûcherons et aux chasseurs qui s’aventurent seuls ou en petit nombre dans les labyrinthes de la forêt ; ils disparaissent, sans que jamais on en puisse découvrir les moindres vestiges.

La crainte de rencontrer quelqu’une de ces bêtes féroces nous empêcha de prolonger trop longtemps notre promenade. La nuit d’ailleurs commençant déjà à se faire, nous nous hâtâmes de regagner notre tente.

Notre premier sommeil dans le désert fut assez paisible. A peine le jour commençait à blanchir, que nous nous levâmes. Une poignée de farine d’avoine détrempée dans du thé bouillant nous servit de déjeuner, et après avoir