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fallut qu'un instant pour en avoir une grande provision. Nous fimes d'abord du charbon que nous écrasâmes grossièrement ; puis nous remplîmes notre grande marmite de cette eau puante et bourbeuse, et nous la plaçâmes sur le feu. Quand l'eau fut chaude, nous y infusâmes une grande quantité de charbon pulvérisé.

Pendant que nous étions occupés de cette opération chimique, Samdadchiemba, accroupi à côté de la marmite, nous demandait à chaque instant quel genre de souper nous prétendions faire avec tous ces détestables ingrédients. Nous lui fîmes une dissertation complète sur les propriétés décolorantes et désinfectantes du carbone. Il écouta notre exposé scientifique avec patience, mais il ne parut pas convaincu. Ses deux yeux étaient continuellement braqués sur la marmite ; et il était facile de voir à l'expression sceptique de sa figure, qu'il ne comptait guère que l'eau épaisse qui était dans la marmite pût tourner en eau claire et limpide.

Enfin, après avoir décanté notre liquide, nous le filtrâmes dans un sac de toile. L'eau que nous obtînmes n'était pas, il est vrai, délicieuse, mais elle était potable ; elle avait déposé sa saleté et toute sa mauvaise odeur. Nous en avions déjà bu plus d'une fois, dans notre voyage, qui ne la valait certainement pas.

Samdadchiemba était ivre d'enthousiasme. S'il n'eût pas été chrétien, certainement il nous eût pris pour des Bouddha-vivants. Les Lamas, disait-il, prétendent qu'il y a tout dans leurs livres de prières ; cependant, je suis sûr qu'ils mourraient tous de soif ou empoisonnés, s'il n'avaient pour faire leur thé que cette citerne. Ils ne sauraient jamais