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de Péking. Le Mandarin tartare qui nous raconta cette aventure, donnait toujours à entendre que ni l'Empereur, ni les gens de la cour, ni les Mandarins n'étaient pour rien dans cette affaire. Nous nous gardâmes bien de lui ôter cette touchante crédulité ; pour nous qui n'avions pas grande foi à la probité du gouvernement de Péking, nous demeurâmes convaincus que tout bonnement l'Empereur avait filouté les rois tartares. Cela nous parut d'autant plus certain, que l'époque de cette aventure coïncidait avec la guerre des Anglais ; nous savions que l'Empereur était aux abois, et qu'il ne savait où prendre l'argent nécessaire pour empêcher de mourir de faim une poignée de soldats, qui étaient chargés de veiller à l'intégrité du territoire chinois.

La visite des trois Mandarins des Alechan nous fut non-seulement agréable, à cause des détails qu'ils nous donnèrent sur les rapports des rois tariares avec l'Empereur, mais elle eut encore pour nous une véritable utilité. Quand ils surent que nous dirigions notre marche vers l'occident, ils nous demandèrent si nous avions dessein de passer par le pays des Alechan. Sur nolre réponse affirmative, ils nous détournèrent de ce projet ; ils nous dirent que nos animaux y périraient, parce qu'on n'y rencontrait pas un seul pâturage. Nous savions déjà que les Alechan sont un pays encore plus stérile que l'Ortous. Ce sont en effet des chaînes de hautes montagnes sablonneuses, où l'on voyage quelquefois pendant des journées entières, sans rencontrer un seul brin de végétation ; certains vallons, rares et étroits, offrent seulement aux troupeaux quelques plantes maigres et épineuses. A cause de cela le royaume des Alechan est