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relèvent, que lorsque l'Empereur est passé de nouveau au milieu de leurs rangs. Alors ils montent chacun dans leur litière et s'en retournent dans leur palais respectif.

C'est à cela qu'aboutissent les longues attentes de ces potentats, qui ont quitté leurs pays lointains, et ont enduré des fatigues de tout genre, parmi les dangers d'une longue route à travers les déserts. Ils ont eu le bonheur de se prosterner au passage de l'Empereur ! Sans doute, un pareil spectacle serait pour nous un objet de pitié et de dégoût. Nous ne comprenons pas qu'il puisse y avoir d'un côté tant de bassesse, et de l'autre tant d'orgueil. Cependant, parmi les peuples asiatiques, c'est la chose la plus simple du monde. L'Empereur prend au sérieux sa toute-puissance, et les rois tartares se tiennent heureux et honorés de lui rendre hommage.

Le premier ministre du roi des Alechan nous dit qu'il était très-difficile de voir l'Empereur. Une année que son maître était malade, il fut obligé de le remplacer à Péking, pour la cérémonie du temple des ancêtres. Il espérait donc pouvoir contempler le vieux Bouddha quand il traverserait le péristyle. Mais il fut bien trompé dans son attente. Comme ministre et simple représentant de son monarque, il fut placé sur le troisième rang, de sorte que lors du passage de l'Empereur, il ne vit absolument rien. — Ceux qui sont sur la première ligne, dit-il, peuvent, en usant de beaucoup de prudence et d'adresse, entrevoir la robe jaune du fils du ciel. Mais ils doivent se bien garder de lever la tête pour faire les curieux ; cette audace serait regardée comme un grand crime, et punie très-sévèrement.