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Bouddha s'en sert pour autre chose. — Puisqu'on ne les mange pas, quel est donc leur usage ?... Le Tartare parut embarrassé, il rougit un peu avant de répondre ; puis enfin il nous dit que ces œufs de faisan servaient à faire un vernis pour enduire la chevelure des femmes qui emplissent le sérail de l'empereur. On prétend qu'ils donnent aux cheveux un lustre et un brillant magnifiques. Il pourrait se faire que des Européens trouvassent bien sale et bien dégoûtante cette pommade d'œufs de faisan, si fort prisée à la cour chinoise ; mais chacun sait que beauté et laideur, propreté et saleté, tout cela est fort relatif. Il s'en faut bien que, parmi les divers peuples qui habitent la terre, les idées soient très-uniformes sur ces points.

Ces visites annuelles à l'empereur de la Chine, sont très-coûteuses et très-pénibles pour les Tartares de la classe plébéienne. Ils sont accablés de corvées, au gré de leurs maîtres, et doivent fournir un certain nombre de chameaux et de chevaux, pour porter les bagages du roi et de la noblesse. Comme ces voyages se font dans le temps le plus rigoureux de l'hiver, les animaux trouvent peu à manger, surtout lorsque, ayant quitté la Terre des herbes, on entre dans les pays cultivés par les Chinois. Aussi, en meurt-il en route un grand nombre. Quand la caravane s'en retourne, il s'en faut bien qu'elle soit en aussi bon ordre et en aussi bon état qu'en allant. On ne voit, en quelque sorte, que des squelettes d'animaux. Ceux auxquels il reste encore un peu de force, portent les quelques bagages nécessaires pour le retour ; quant aux autres, ils se font traîner par le licou, et peuvent à peine mettre leurs