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sapèques. La somme nous paraissant exorbitante, nous attendions.

Le troisième jour de notre halte, nous vîmes se diriger vers notre tente un pêcheur, qui se traînait péniblement appuyé sur un long bâton. Sa figure pâle et d'une extrême maigreur, annonçait un homme très-souffrant. Aussitôt qu'il fut accroupi à côté de notre foyer : — Frère, lui dîmes-nous, il paraît que tu mènes des jours qui ne sont pas heureux. — Ah! nous répondit-il, mon malheur est extrême ; mais que faire ? il faut subir les lois irrévocables du ciel. Il y a quinze jours, comme j'allais visiter une tente mongole, je fus mordu à la jambe par un chien furieux ; il s'est formé une plaie qui s'élargit et s'envenime continuellement. On m'a dit que vous étiez du ciel d'occident, et je suis venu vers vous. Les hommes du ciel d'occident, disent les Lamas tartares, ont un pouvoir illimité ; d'un seul mot ils peuvent guérir les maladies les plus graves. — On t'a trompé, quand ou t'a dit que nous avions un pouvoir si grand... et de là nous prîmes occasion d'annoncer à cet homme les grandes vérités de la foi. Mais c'était un Chinois, et comme les gens de sa nation, peu soucieux des idées religieuses ; nos paroles ne faisaient que glisser sur son cœur ; sa blessure absorbait toutes ses pensées. Nous songeâmes à le médicamenter avec du Kou-Kouo ou fève de Saint-Ignace. Ces fruits, de couleur brune ou cendrée, et d'une substance qui ressemble à la corne, sont d'une dureté extrême, et d'une amertume insupportable ; ils sont originaires des îles Philippines. La manière de se servir du Kou-Kouo consiste à le broyer dans de l'eau froide, à laquelle il communique son amertume. Cette eau