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vint exclusivement le héros de l’expédition. La foule était rangée en cercle autour de lui. Chacun voulait voir comment, en tirant par petits coups la corde qui était attachée à la cheville enclavée dans le nez des chameaux, il savait les faire obéir et les faire accroupir à volonté. C’était chose nouvelle et curieuse pour les Chinois, que de voir notre Lama arranger et ficeler sur le dos des chameaux les bagages des deux Missionnaires voyageurs. Quand tout fut prêt, nous bûmes une tasse de thé, et nous nous rendîmes à la chapelle. Les chrétiens chantèrent les prières du départ ; nous reçûmes leurs adieux mêlés de larmes, et nous nous mîmes en route. Samdadchiemba[1], gravement placé sur un mulet noir de taille rabougrie, ouvrait la marche en traînant après lui deux chameaux chargés de nos bagages, puis suivaient les deux Missionnaires, MM. Gabet et Huc : le premier, monté sur une grande chamelle ; l’autre sur un cheval blanc.

Nous partîmes, bien décidés à abdiquer nos anciens usages, et à nous faire Tartares. Cependant nous ne fûmes pas tout d’un coup, et dès notre premier pas, entièrement débarrassés du système chinois. Outre que nous nous étions mis en marche, escortés de chrétiens chinois, qui les uns à pied, les autres à cheval, nous accompagnaient un instant par honneur, nous devions prendre pour étape de notre première journée une auberge tenue par le grand Catéchiste des Gorges-contigües.

La marche de notre petite caravane ne s’exécuta pas tout d’abord avec un plein succès. Nous étions encore novices, et tout-à-fait inexpérimentés dans l’art de seller et

  1. Nom thibétain de notre chamelier.