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Déjà nous étions occupés à replacer le bagage entre les bosses de nos chameaux, lorsque le patron se leva brusquement. — I1 faut faire encore une tentative, s'écria-t-il avec l'accent d'un homme qui vient de trouver une bonne idée ; si le moyen que j'imagine ne réussit pas, je ne m'en Occupe plus. Après avoir dit ces mots, il éclata en rires inextinguibles. — Voyons, lui dîmes-nous, si tu as trouvé un moyen, mets-le vite à exécution : le temps presse, et nous n'avons guère envie de rire, nous autres. — Prends la corde, dit-il à son compagnon, et attire tout doucement le chameau si près que tu pourras... Quand le chameau fut avancé de manière à toucher de ses genoux les bords de la barque, voilà que le batelier prend course de quelques pas et vient se ruer de tout le poids de son corps sur le derrière de la bête. Ce choc brusque, violent et inattendu fit plier les jambes du chameau. Une seconde décharge ayant suivi la première presque sans interruption, le chameau, pour éviter une chute, n'eut d'autre moyen que de lever Ses jambes de devant et de les porter dans le navire. Ce premier succès obtenu, le reste fut facile. Quelques légers tiraillements de nez et quelques petits coups suffirent pour achever l'opération. Aussitôt que la grande chamelle fut à bord, l'hilarité fut générale. On usa de la même méthode pour les deux autres chameaux qui étaient encore à terre, et bientôt tout fut embarqué de la manière la plus triomphante.

Avant de détacher la corde qui tenait la barque amarrée au rivage, le patron voulut faire accroupir les chameaux, de crainte que le mouvement de ces grandes masses ne vint à causer un naufrage. Cette opération fut une véritable