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n'aurait qu'à faire un geste, et tous les Mongols, depuis les frontières de la Sibérie jusqu'aux extrémités du Thibet, se levant comme un seul homme, iraient se précipiter avec la véhémence d'un torrent partout où la voix de leur Saint les appellerait. La paix profonde dont ils jouissent, depuis plus de deux siècles, semblerait avoir dû énerver leur caractère belliqueux. Cependant on peut encore remarquer qu'ils n'ont pas tout-à-fait perdu le goût des aventures guerrières. Les grandes campagnes du Grand-Khan, Tching-Kis, qui les conduisait à la conquête du monde, ne sont pas sorties de leur mémoire ; durant les longs loisirs de la vie nomade, ils aiment à s'en entretenir, et à repaître ainsi leur imagination de vagues projets d'envahissement.

Durant notre court séjour dans la Ville-Bleue, nous ne cessâmes d'avoir des relations avec les Lamas des plus fameuses lamaseries, cherchant toujours à prendre de nouveaux renseignements sur l'état du Bouddhisme en Tartarie et dans le Thibet. Tout ce qu'on nous dit, ne servit qu'à nous confirmer de plus en plus dans ce que nous avions appris par avance à ce sujet. Dans la Ville-Bleue, comme à Tolon-Noor, tout le monde nous répétait que la doctrine nous apparaîtrait plus sublime et plus lumineuse à mesure que nous avancerions vers l'occident. D'après ce que racontaient les Lamas qui avaient visité le Thibet Lha-Ssa était comme un grand foyer de lumière, dont les rayons allaient toujours s'affaiblissant, en s'éloignant de leur centre.

Un jour nous eûmes occasion d'entretenir pendant quelque temps un Lama thibétain ; les choses qu'il nous