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Les Lamas sont en très-grand nombre dans la Tartarie ; d'après ce que nous avons pu remarquer, nous croyons pouvoir avancer, sans crainte d'erreur, qu'ils composent au moins un tiers de la population. Dans presque toutes les familles, à l'exception de l'aîné qui reste homme noir, tous les autres enfants mâles sont Lamas. Les Tartares embrassent cet état forcément, et non par inclination ; ils sont Lamas ou hommes noirs, dès leur naissance, suivant la volonté de leurs parents, qui leur rasent la tête ou laissent croître leurs cheveux. Ainsi, à mesure qu'ils croissent en âge, ils s'habituent à leur état, et dans la suite une certaine exaltation religieuse finit par les y attacher fortement.

On prétend que la politique de la dynastie Mantchoue tendrait à multiplier en Tartarie le nombre des Lamas ; des Mandarins chinois nous l'ont assuré, et la chose paraît assez probable. Ce qu'il y a de certain, c'est que le gouvernement de Péking, pendant qu'il laisse dans la misère et l'abjection les bonzes chinois, honore et favorise le lamaïsme d'une manière toute particulière. L'intention secrète du gouvernement serait, dit-on, de faire augmenter le nombre des Lamas, et d'arrêter par ce moyen les progrès de la population en Tartarie. Les souvenirs de l'ancienne puissance des Mongols le préoccupent sans cesse ; il sait qu'autrefois ils ont été maîtres de l'empire ; et dans la crainte d'une nouvelle invasion, il s'applique à les affaiblir partons les moyens possibles. Cependant, quoique la Mongolie soit très-peu peuplée, eu égard à son immense étendue de terrain, il peut en sortir au premier jour une armée formidable. Un grand Lama, le Guison-Tamba, par exemple,