Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

voyageurs, sans se jamais fixer nulle part ; ils sont sans cesse poussés par je ne sais quelle inquiétude secrète, quelle vague antipathie du repos qui les tient toujours en activité. Ils se mettent à voyager uniquement pour voyager, pour parcourir du chemin, pour changer de lieu ; ils vont de lamaserie en lamaserie, et s'arrêtent, chemin faisant, dans toutes les tentes qu'ils rencontrent, toujours assurés que l'hospitalité des Tartares ne leur fera jamais défaut. Ils entrent sans façon et vont s'asseoir à côté du foyer ; on leur fait chauffer le thé, et tout en buvant ils énumèrent avec orgueil les pays qu'ils ont déjà parcourus. Si l'envie leur prend de passer la nuit dans la tente, ils s'étendent dans un coin et dorment profondément jusqu'au lendemain. Le matin, avant de reprendre leur course vagabonde, ils s'arrêtent un instant sur le devant de la tente, regardant vaguement les nuages et la cime des montagnes, tournant la tête de côté et d'autre, comme pour interroger les vents. Enfin ils se mettent en marche, toujours sans but, uniquement dirigés par les sentiers qu'ils rencontrent par hasard devant eux. Ils s'en vont la tête penchée en avant, les yeux baissés, tenant à la main un long bâton, et portant sur leur dos un havre-sac en peau de bouc. Quand ils sont fatigués, ils vont se reposer au pied d'un rocher, sur le pic d'une montagne, au fond d'un ravin, là où les pousse l'inconstance de leur fantaisie. Souvent dans leur route ils ne rencontrent que le désert ; et alors, où la nuit les surprend, ils dorment sous le ciel qui est, disent-ils, comme le couvercle de cette immense tente qu'on appelle le monde.

Ces Lamas vagabonds visitent tous les pays qui leur sont