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mit en révolution toute la lamaserie, et bientôt l'exaspération se communiqua à tous les Lamas de la Ville-Bleue. On courut aux armes de toute part, et les jours de l'Empereur, qui n'avait que peu de monde à sa suite, furent exposés au plus grand danger. Pour essayer de calmer l'irritation des Lamas, il reprocha publiquement au Kian-Kiun son acte de violence. — Si le Guison-Tamba, répondit le Kian-Kiun, n'était pas un Bouddha-vivant, pourquoi ne s'est-il pas levé en présence du maître de l'univers ? S'il était un Bouddha-vivant, comment n'a-t-il pas su que j'allais le mettre à mort ?.... Cependant le danger pour la vie de l'Empereur devenait d'heure en heure plus extrême. Il n'eut d'autre moyen d'évasion que de se dépouiller de ses habits impériaux, et de se revêtir de ceux d'un simple soldat. A la faveur de ce déguisement et de la confusion générale, il parvint à rejoindre son armée, qui n'était pas très-éloignée. La plus grande partie des gens qui avaient suivi l'Empereur dans la Ville-Bleue furent massacrés, et entre autres le meurtrier du Guison-Tamba.

Les Mongols cherchèrent à tirer parti de ce mouvement. Bientôt on annonça que le Guison-Tamba avait reparu, et qu'il avait transmigré dans le pays des Khalkhas ; ceux-ci l'avaient pris sous leur protection, et avaient juré de venger son assassinat. Les Lamas du Grand-Kouren s'organisaient avec activité ; déjà ils s'étaient dépouillés de leurs robes jaunes et rouges, pour revêtir des habits noirs, en mémoire de l'événement funèbre de la Ville-Bleue ; depuis longtemps ils ne se rasaient plus la tête, et laissaient croître, en signe de deuil, leur barbe et leurs cheveux ; tout enfin faisait présager un grand ébranlement des tribus tartares. Il