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commis des affaires qu'ils avaient traitées pendant la journée. Moi, dit l'un, j'ai acheté un youen-pao ; j'ai gagné deux onces dessus .. ; et il courut à la caisse chercher le youen-pao dont il avait fait emplette. Le chef de la maison, après avoir tourné et retourné ce lingot, fit la grimace. — Quel youen-pao as-tu acheté ? Cette matière sera tout ce que tu voudras, mais assurément ce n'est pas de l'argent. — Bientôt le youen-pao passe entre les mains de tous les commis, et chacun déclare qu'il est faux. — Je connais le Tartare qui m'a vendu ce youen-pao, dit l'acheteur ; il n'y a qu'à le dénoncer au tribunal.

L'accusation fut portée, et les satellites se mirent aussitôt en route pour se saisir du faux monnayeur. L'affaire était capitale, et il ne s'agissait de rien moins que de la peine de mort : le corps du délit était constant ; le youen-pao avait été examiné avec soin, il était réellement faux ; chacun savait aussi que le Tartare l'avait vendu ; mais celui-ci soutenait toujours effrontément qu'il n'était pas coupable de ce crime. — Le tout petit, fit le Tartare, demande humblement qu'il lui soit permis de prononcer une parole pour sa défense. — Parle, dit le Mandarin, mais sois bien attentif à ne dire que des paroles conformes à la vérité. — Il est vrai ; ces jours-ci, j'ai vendu un youen-pao à la maison de change ; mais il était de pur argent... Je ne suis qu'un Tartare, un homme simple, et c'est pour cela qu'on a substitué dans la boutique, après mon départ, un lingot faux au véritable que j'ai donné... Je ne sais pas dire beaucoup de paroles, mais je prie celui qui est notre père et mère de vouloir bien ordonner qu'on pèse ce faux youen-pao. — L'ordre fut aussitôt donné, et le youen-pao fut trouvé avoir