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céleste pour calculer les éclipses et le cours des saisons (1)[1]... Après une courte dissertation sur le mérite des chiffres arabes, on nous compta très-exactement nos sapèques, et nous nous quittâmes bons amis.

Les Chinois sont quelquefois victimes de leur propre fourberie, et on a vu même des Tartares les faire tomber dans leurs piéges. En jour, un Mongol se présenta dans une maison de change, avec un youen-pao empaqueté et ficelé avec soin : on appelle youen-pao un lingot d'argent du poids de trois livres ; — on sait qu'en Chine la livre est de seize onces ; — les trois livres ne sont jamais rigoureusement exactes ; il y a toujours quatre ou cinq onces en sus, et les lingots atteignent ordinairement le poids de cinquante-deux onces. A peine le Tartare eut-il fait voir son youen-pao, la première pensée du commis de la boutique fut de le frauder de quelques onces. Après avoir pesé le lingot, il le trouva juste du poids de cinquante onces. — Mon lingot a cinquante-deux onces, dit le Tartare, je l'ai pesé chez moi. — Vos balances tartares sont bonnes tout au plus pour peser des quartiers de mouton, mais elles ne valent rien pour peser de l'argent. Après quelques difficultés de part et d'autre, le marché fut enfin conclu, et le youen-pao livré pour le poids de cinquante onces. Le Tartare reçut, selon l'usage de l'agent de change, un certificat attestant le poids et la valeur de l'argent ; puis il s'en retourna dans sa tente avec une bonne provision de sapèques et de billets de banque. Le soir, l'intendant de caisse de la maison de change demanda compte aux

  1. (1) Les PP. Jésuites introduisirent à l'observatoire de Péking l'usage des chiffres arabes.