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loge les hôtes passagers à cheval ou à chameau, se charge de toute sorte d'affaires, sans jamais en compromettre le succès. Nous nous dirigeâmes immédiatement vers le grand portail ; nos deux estafiers avaient beau nous protester que ce n'était pas là, nous entrâmes ; et après avoir fait passer la caravane par une longue avenue, nous nous trouvâmes dans la grande cour carrée de l'auberge. A la vue de la petite calotte bleue dont étaient coiffés les gens qui circulaient dans la cour, nous connûmes que nous étions dans une hôtellerie turque.

Cela ne faisait pas le compte des deux Chinois ; cependant ils nous avaient suivis, et sans trop se déconcerter, ils continuèrent à jouer leur rôle. — Où sont les gens de l'auberge, criaient-ils avec affectation ; voyons qu'on ouvre une chambre grande, une chambre belle, une chambre propre. Leurs Excellences sont arrivées ; il leur faut un appartement convenable. — Un chef de l'hôtellerie se présente, tenant à ses dents une clef, d'une main un balai, et de l'autre un plat pour arroser. Nos deux protecteurs s'emparent à l'instant de tout cela. Laissez-nous faire, disent- ils ; c'est nous qui voulons servir nos illustres amis ; vous autres gens de l'auberge, vous ne faites les choses qu'à moitié, vous ne travaillez que pour l'argent... Et les voilà aussitôt arrosant, balayant, frottant dans la chambre qu'ils viennent d'ouvrir. Quand tout fut prêt, nous allâmes nous asseoir sur le Kang ; pour eux ils voulurent, par respect, rester accroupis par terre. Au moment où on nous servait le thé, un jeune homme proprement habillé et d'une tournure élégante entra dans notre chambre ; il tenait à la main les quatre coins d'un mouchoir de soie dont nous