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appelée la lamaserie des Cinq-Tours (1)[1]. Elle porte ce nom à cause d'une belle tour carrée qui s'élève à la partie septentrionale de l'édifice. Le sommet de cette haute tour sert de base à cinq autres tourelles terminées en flèche ; celle du milieu est très-élevée, et va, pour ainsi parler, se perdre dans les nues. Les quatre autres, égales entre elles, mais moins hautes que la première, sont assises sur les quatre coins, et servent comme d'accompagnement à la grande flèche du centre.

Immédiatement après la lamaserie, la rue que nous suivions finit tout à coup, et nous n'eûmes plus, à droite et à gauche, que deux ruelles de misérable apparence. Nous choisîmes celle qui nous parut la moins sale, et nous avançâmes d'abord assez facilement ; mais plus nous allions en avant, plus elle devenait boueuse ; bientôt ce ne fut plus qu'une longue fondrière remplie d'une fange noire et suffocante de puanteur. Nous étions dans la rue des tanneurs ; nous avancions à petits pas et frissonnant sans cesse ; car le bourbeux liquide, tantôt cachait une grosse pierre sur laquelle il fallait monter avec effort, tantôt recouvrait un creux dans lequel nous nous enfoncions subitement. Nous n'eûmes pas fait cinquante pas, que nos animaux furent couverts de boue et tout ruisselants de sueur. Pour comble d'infortune, nous entendîmes au loin devant nous pousser de grandes clameurs ; c'étaient des cavaliers et des voituriers, qui s'approchaient par les tortuosités de la même ruelle, et avertissaient par leurs cris, d'attendre qu'ils fussent passés, avant de s'engager dans le même chemin. Reculer on

  1. (l) Ce n'est pas la fameuse lamaserie des Cinq-Tours dont nous avons déjà parlé, et qui se trouve dans la province du Chan-Si.