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recensement dans chaque bannière ; ceux qui ne se présentent pas pour faire inscrire leurs noms sur les rôles sont censés ne plus appartenir à la nation Mantchoue ; or tous ceux que l'indigence fait soupirer après l'exemption des corvées et du service militaire ne se présentant pas au recensement, entrent par ce seul fait dans les rangs du peuple chinois. Ainsi, à mesure que les migrations ont fait passer par delà la grande muraille un grand nombre de Chinois, beaucoup de Mantchous ont abdiqué volontairement leur nationalité.

La déchéance ou plutôt l'extinction de la nation Mantchoue marche aujourd'hui plus rapidement que jamais. Jusqu'au règne de Tao-Kouan, les contrées baignées par le Songari avaient été exclusivement habitées par les Mantchous ; l'entrée de ces vastes pays avait été interdite aux Chinois, et défense faite à qui que ce fût d'y cultiver les terres. Dès les premières années du règne actuel, on mit ces contrées en vente, pour suppléer à l'indigence du trésor public. Les Chinois s'y sont précipités comme des oiseaux de proie, et quelques années ont suffi pour en faire disparaître tout ce qui pouvait rappeler le souvenir de leurs anciens possesseurs. Maintenant on chercherait vainement dans la Mantchourie une seule ville ou un seul village qui ne soit exclusivement composé de Chinois.

Cependant, au milieu de cette transformation générale, il est encore quelques tribus, les Si-Po et les Solon qui ont conservé fidèlement leur type mantchou. Jusqu'à ce jour, leur territoire n'a été ni envahi par les Chinois, ni livré à la culture ; elles continuent d'habiter sous des tentes, et de fournir des soldats aux armées impériales. On a remarqué pourtant que leurs fréquentes apparitions à Péking,