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empire. On ne vint pas à bout de changer la résolution du Lama-Roi, mais on régla qu'il n'aurait qu'une suite de trois mille Lamas, et qu'il viendrait sans être accompagné des trois autres souverains Khalkhas, qui s'étaient proposé de le suivre jusqu'à Péking.

Aussitôt que le Guison-Tamba se mit en marche, toutes les tribus de la Tartarie s'ébranlèrent, et on vit accourir de toute part sur son passage des foules innombrables. Chaque tribu arrivait avec ses offrandes : des troupeaux de chevaux, de bœufs et de moutons, des lingots d'or et d'argent, et des pierres précieuses. On avait creusé des puits de distance en distance, dans toute la traversée du grand désert de Gobi ; et les rois des divers pays par où le cortége devait passer, avaient disposé longtemps d'avance des provisions, dans tous les endroits fixés pour les campements. Le Lama-Roi était dans un palanquin jaune, porté par quatre chevaux que conduisaient quatre grands dignitaires de la lamaserie. Les trois mille Lamas du cortége précédaient ou suivaient le palanquin, montés sur des chevaux ou sur des chameaux, courant sans ordre dans tous les sens, et s'abandonnant à leur enthousiasme. Les deux côtés du passage étaient bordés de spectateurs, ou plutôt d'adorateurs, qui attendaient avec impatience l'arrivée du Saint. Quand le palanquin paraissait, tous tombaient à genoux, puis s'étendaient tout de leur long, le front touchant la terre, et les mains jointes par-dessus la tête. On eût dit le passage d'une divinité qui daigne traverser la terre pour verser ses bénédictions sur les peuples. Le Guison-Tamba continua ainsi sa marche pompeuse et triomphale jusqu'à la grande muraille ; là, il cessa d'être Dieu, pour n'être