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avec tout son train d'artillerie, pouvait se trouver là, dans le désert, au milieu de cette profonde solitude ? Tout en nous abandonnant à mille conjectures extravagantes, nous pressions notre marche ; car nous étions impatients d'examiner de près cette étrange apparition. Notre illusion ne fut complètement dissipée, que lorsque nous arrivâmes tout-à-fait au-dessus de la montagne. Ce que nous avions pris pour des batteries de canons, était une longue caravane de petites charrettes mongoles. Nous rîmes beaucoup de notre méprise, mais nous ne fûmes nullement surpris d'être demeurés si longtemps dans l'illusion. Ces petites charrettes à deux roues étaient toutes au repos, et appuyées sur leur brancard ; chacune d'elles était chargée d'un sac de sel, enveloppé dans une natte dont les rebords dépassaient l'extrémité du sac, de manière à figurer assez exactement la bouche d'un canon. Les Mongols conducteurs de cette caravane faisaient bouillir leur thé en plein air, pendant que leurs bœufs étaient occupés à brouter de l'autre côté de la montagne.

Le transport des marchandises, à travers les déserts de la Tartarie, se fait ordinairement, à défaut de chameaux, par le moyen de ces petites charrettes à deux roues. Quelques barres de bois brut entrent seules dans leur fabrication ; aussi elles sont d'une légèreté si grande, qu'un enfant peut les soulever avec aisance. Les bœufs qui les traînent ont tous un petit cercle en fer passé dans les narines ; à ce cercle est une corde qui attache le bœuf à la voiture qui précède : ainsi toutes ces charrettes, depuis la première jusqu'à la dernière, se tiennent ensemble, et forment une longue file non interrompue. Les Mongols qui