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loups ayant pris la fuite une seconde fois, disparurent sans que personne songeât plus à les poursuivre de nouveau.

Quoique le défaut de population paraisse abandonner les immenses déserts de la Tartarie aux bêtes sauvages, les loups pourtant s'y rencontrent assez rarement. Cela vient sans doute de la guerre incessante et acharnée que leur font les Mongols ; ils les poursuivent partout à outrance ; ils les regardent comme leur ennemi capital, à cause des grands dommages qu'ils peuvent causer à leurs troupeaux. La nouvelle qu'un loup a apparu dans le voisinage, est, pour tout le monde, le signal de monter à cheval ; comme il y a toujours, près de chaque tente, des chevaux sellés par avance, en un instant la plaine est couverte de nombreux cavaliers, tous armés de leur longue perche. Le loup a beau courir dans toutes les directions, il rencontre partout des cavaliers qui se précipitent sur lui. Il n'est pas de montagne si raboteuse et si ardue, où les chevaux des Tartares, agiles comme des chevreuils, ne puissent l'aller poursuivre. Le cavalier qui est enfin parvenu à lui passer le nœud coulant autour du cou, se sauve au galop, en le traînant après lui, jusqu'à la tente la plus voisine ; là, on lui lie fortement le museau, afin de pouvoir le torturer en toute sécurité ; pour le dénouement de la pièce, on écorche l'animal tout vif, puis on le met en liberté. Pendant l'été, il vit encore ainsi plusieurs jours ; mais en hiver, exposé sans fourrure aux rigueurs de la saison, il meurt incontinent gelé de froid.

Il y avait encore peu de temps que nous avions perdu de vue nos trois loups, lorsque nous fimes une rencontre