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et pendant qu'à chaque coup nous frémissions de crainte pour la vie de l'enfant, la bande joyeuse ne faisait que gambader, et qu'applaudir par ses cris au succès des acteurs.

Le vingt-deuxième jour de la huitième lune, aussitôt que nous fûmes sortis du petit royaume de Éfe, nous gravîmes une montagne aux flancs de laquelle croissaient quelques bosquets de sapins et de bouleaux. Leur vue nous causa d'abord un plaisir extrême ; les déserts de la Tartarie sont généralement si déboisés et d'une nudité si monotone, qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver un certain bien-aise, quand on rencontre, de temps à autre, quelques arbres sur son passage. Mais ces premiers mouvements de joie furent bientôt comprimés par un sentiment d'une nature bien différente ; nous fûmes comme glacés d'effroi en apercevant, à un détour de la montagne trois loups énormes, qui semblaient nous attendre avec une calme intrépidité. A la vue de ces vilaines bêtes, nous nous arrêtâmes brusquement et comme par instinct. Après ce premier instant de stupeur générale, Samdadchiemba descendit de son petit mulet, et courut tirailler avec violence le nez de nos chameaux. Ce moyen réussit à merveille ; nos pauvres animaux poussèrent des cris si perçants et si épouvantables, que les loups effrayés s'en allèrent à toutes jambes. Arsalan qui les voyait fuir, croyant sans doute que c'était de lui qu'ils avaient peur, se mit à les poursuivre de toute la force de ses jarrets ; bientôt les loups firent volte face, et le portier de notre tente eût été infailliblement dévoré, si M. Gabet n'eut volé à son secours en poussant de grands cris, et en tiraillant le nez de sa chamelle. Les