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les fabricants d'arcs. Les Chinois en achètent quelquefois, pour garder leur maison pendant leur absence.

Après deux jours de marche, nous entrâmes dans le pays appelé royaume de Éfe ; c'est une portion du territoire des huit bannières, que l'empereur Kien-Long a démembré en faveur d'un prince des Khalkhas. Sun-Tché, fondateur de la dynastie Mantchoue, avait dit : « Dans le midi ne jamais établir des rois ; dans le nord ne jamais interrompre les alliances. Cette politique a été depuis exactement suivie parla cour de Péking. L'empereur Kien-Long, pour s'attacher le prince dont il est question, lui avait donné sa fille en mariage ; il espérait par ce moyen le fixer à Péking, et diminuer ainsi la puissance toujours redoutée des souverains Khalkhas. Il lui fit bâtir, dans l'enceinte même de la ville jaune, un palais aussi grand que magnifique : mais le prince Mongol ne put se faire aux habitudes gênantes et tyranniques d'une cour. Au milieu de la pompe et du luxe accumulés autour de lui, il était sans cesse poursuivi par le souvenir de sa tente et de ses troupeaux ; il regrettait même les neiges et les frimas de son pays natal. Les caresses de la cour ne pouvant dissiper ses intolérables ennuis, il parla de s'en retourner dans ses prairies du Khalkhas. D'un autre côté, sa jeune épouse, habituée à la mollesse de la cour de Péking, ne pouvait soutenir l'idée d'aller passer ses jours dans les déserts, en la compagnie des laitières et des gardiens de troupeaux. L'Empereur usa d'un tempérament, qui paraissait condescendre aux désirs de son gendre, sans trop contrarier la répugnance de sa fille. Il démembra une portion du Tchakar et en dota le prince mongol ; il lui fit bâtir au milieu de ces solitudes une petite